La raréfaction des hydrocarbures conventionnels conduit aujourd’hui l’humanité à rechercher la solution dans l’exploitation des huiles et gaz de schiste. Mais la seule technique aujourd’hui utilisable est la fracturation hydraulique, coûteuse et très polluante. La France interdit pour l’instant ce procédé. Mais jusqu’à quand ? Les populations concernées montent au créneau.
Durant les millions d’années de transformation du sous-sol et du sol, la matière organique qui s’est transformée en hydrocarbures par accroissement de température, a imprégné le sédiment devenu une roche micro-poreuse et imperméable.
Une partie de ces hydrocarbures est remontée vers la surface jusqu’à rencontrer une roche magasin (ou poche) pour former un gisement dit conventionnel. Généralement situés à des profondeurs peu importantes, c’est ce pétrole et ce gaz qui sont actuellement exploités, mais sont aussi en voie d’épuisement.
L’autre partie de ces hydrocarbures, plus importante en quantité, est restée dans les schistes sédimentaires argileux. Ils se trouvent à des profondeurs de 1 à 3 kilomètres et forment un gisement dit « non conventionnel ».
Le seul moyen actuellement utilisé pour l’extraction de ces hydrocarbures est la fracturation hydraulique. En quoi consiste ce procédé ?
Dans le schiste, le gaz ou le pétrole sont stockés sous forme de gouttelettes, il faut donc fracturer la roche pour libérer celles-ci. Comme les couches de schiste « s’étalent » horizontalement, le forage, d’abord vertical, devient horizontal lorsqu’il atteint la couche de schiste. Ensuite de grandes quantités d’eau mêlées à des produits chimiques (anti-corrosifs, biocides, etc.) sont injectées à haute pression (environ 600 bars) dans le forage. L’eau s’infiltre dans la roche et écarte les fissures qui libèrent le gaz ou le pétrole. Avec l’eau, du sable est injecté pour maintenir les fissures ouvertes. Si le rendement du forage baisse, de nouveaux envois d’eau sont faits.
Le rayon d’action d’un puits, malgré la partie de forage horizontal, reste limité ; aussi faut-il multiplier les forages pour récupérer le maximum de gaz ou de pétrole.
Les graves inconvénients du procédé
La fracturation hydraulique nécessite 7 500 à 15 000 mètres cubes d’eau, quantité à multiplier par le nombre de fois qu’un puits est fracturé, soit de 6 à 12 fois, voire 15 fois, pour les forages les plus productifs. Où prendre toute cette eau, alors que chaque année nous connaissons des périodes de sécheresse ? Elle est apportée par camions sur les lieux du forage et une partie reste au fond du forage. Chargée de produits chimiques toxiques, elle risque de contaminer les nappes phréatiques et se retrouvera peut-être dans votre verre. Une enquête de l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), publiée en août 2010, était consacrée à l’eau contaminée du village de Pavilion (Wyoming) au cœur d’une zone d’exploitation. Elle a révélé la présence d’arsenic, de cuivre et de 2-butoxyéthanol, un composé très cancérigène.
La création de nombreux forages génère une emprise de terrains considérable, car, autour du forage lui-même, il faut prévoir les installations annexes : séparateurs, stockage et unités de traitement de l’eau qui remonte des puits, stockage du gaz ou du pétrole … Combien d’espaces naturels, agricoles, forestiers seront amputés ou tout simplement détruits ? Et qu’adviendra-t-il des installations une fois que les puits ne donneront plus ?
En outre, durant l’exploitation des forages, des quantités de gaz à effet de serre seront rejetées, sans compter les allées et venues des camions chargés des matériaux, des substances nécessaires à la fracturation, de l’évacuation du gaz ou du pétrole. Chaque puits nécessite un ou des « récupérateurs », sortes de réservoirs où l’eau qui remonte du puits est séparée du gaz d’où s’échapperont du CO2, du dioxyde de soufre, du méthane … Ensuite des vapeurs des produits utilisés pour la fracturation émaneront des bacs de décantation de l’eau.
Régions concernées
En France, les régions concernées sont principalement le Sud-Est, le Sud-Ouest et l’Ile-de-France. Près d’une vingtaine de zones délimitées par des permis de recherche demandés émaillent tout l’est de l’Ile-de-France, principalement en Seine-et-Marne, et descendent même dans l’Yonne. Qu’advient-il de ces permis qui ont été déposés par des sociétés telles que Toréador, Bridgeoil, Galli Coz, Concorde, Stearling, Petro, Poros, Vermilion, Géopetrol ?
Dans son discours introductif à la conférence environnementale des 14 et 15 septembre, François Hollande a été très clair à propos des gaz de schiste : « Dans l’état actuel de nos connaissances, personne ne peut affirmer que l’exploitation des gaz et huiles de schiste par fracturation hydraulique, seule technique aujourd’hui connue, est exempte de risques lourds pour la santé et l’environnement. » Et d’ajouter : « Je demande à la ministre de l’Ecologie, Delphine Batho, de prononcer sans attendre le rejet des sept demandes de permis déposées auprès de l’Etat par l’industrie pétrolière. » Mais, ce faisant, il ne précise rien sur la trentaine de permis déjà accordés au titre de la Loi Kosciusko-Morizet et qu’il convient d’annuler définitivement.
« Après nous, le déluge » ?
La France doit importer 98 à 99 % de sa consommation d’hydrocarbures. Comme les ressources en gaz et huile de schiste semblent abondantes, leur extraction aurait, estime-t-on, pour effet de réduire sérieusement la facture de nos importations d’hydrocarbures. Mais les coûts élevés de l’extraction et les dépenses liées à la réparation des dégâts importants occasionnés aurait pour effet de tempérer fortement un intérêt économique a priori évident. De plus, l’illusion de disposer de ressources abondantes, mais malgré tout limitées, constituerait un frein au développement des économies d’énergies et des énergies renouvelables. Bien que la consommation mondiale de pétrole ait été multipliée par 6 depuis 1950, pour nous, la seule solution valable est d’investir massivement dans ces deux domaines. Notre santé et l’avenir de nos enfants en dépendent.
article ADEMUB iNFOS n°46 Octobre 2012