En octobre 2018, le Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique (Giec) a publié un rapport répondant à deux questions liées au réchauffement climatique :
• Quelles mesures prendre pour tenir l’engagement d’une augmentation moyenne de la température limitée à +1,5 degré en 2050 par rapport à la période préindustrielle ?
• Et, en cas d’échec, quelle serait la différence d’impact entre +1,5 et + 2 degrés ? Cette question se pose évidemment parce que dès 2015, les « décideurs » subodoraient que l’effort pour tenir le 1,5° préconisé, serait difficile à tenir. D’évidence, il y a aujourd’hui un consensus des scientifiques : les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine causent un changement climatique massif, plus rapide que n’importe quel changement climatique antérieur dont on a identifié la trace dans la géologie. Rappelons que même si la majorité des États respectaient leurs engagements pris à la COP 21, la planète pourrait se réchauffer de 3 °C d’ici à la fin du siècle.
Notre marge réelle est donc faible : l’augmentation est dès aujourd’hui de 1 degré. Il faudrait donc s’en tenir à +0,5 degré pour les 30 prochaines années. Pour y parvenir, le maximum de nos émissions de gaz à effet de serre devrait être atteint en 2020. Ce qui fait que avec un dépassement nul ou limité de 1,5°C , les émissions mondiales nettes de CO2 anthropogéniques diminueraient d’environ 45% d’ici à 2030 par rapport au niveau de 2010 pour atteindre le zéro absolu vers 2050. Pour limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C, les émissions de CO2 devraient diminuer d’environ 25% d’ici à 2030 dans la plupart des trajectoires et atteindre un « zéro absolu » vers 2070.
Mais sur 300 scénarios analysés par le Giec, seuls 90 permettent de rester en dessous de 2 degrés et seuls 4 permettent de tenir l’objectif de +1,5 degré. Plusieurs de ces scénarios (et notamment tous ceux axés sur l’objectif de +1,5 degrés) s’appuient sur la bioénergie avec captage et stockage du carbone. Or il est très difficile aujourd’hui d’estimer la viabilité de ces techniques, utilisées à grande échelle, ni le risque de mise en compétition avec les usages alimentaires des sols (cas du stockage au moyen des végétaux).
Globalement, les solutions analysées sont techniquement possibles, dont certaines déjà prescrites par les environnementalistes mais leur mise en œuvre sur 30 ans, à un rythme et avec une ampleur sans précédent, relève de l’économie de guerre. Et c’est faire abstraction des contingences politiques. Ainsi les dernières mesures prises en 2017 et 2018, contrairement aux objectifs de 2015 (Accord de Paris), ont eu pour effet une augmentation des émissions de GES.
Enfin rappelons que l’objectif le plus optimiste (+1,5 degré, en moyenne) s’accompagnerait quand même de dégâts en matière de biodiversité et certaines régions dépasseraient les 3 ou 4 degrés. Le réchauffement va probablement atteindre 1,5°C entre 2030 et 2052.
Si l’élévation de température moyenne est de 2°C, l’impact sera encore supérieur : sécheresse et inondations, réduction de la biodiversité, impact sur la pêche et l’aquaculture, acidification et niveau des océans, dégel du pergélisol, réduction des disponibilités alimentaires, expansion des maladies épidémiques, impact sur les systèmes humains.
Tenir le 1,5°C en 2050 nécessiterait d’investir 2.5% du PIB mondial dans la transition énergétique d’ici à 2035. Un tel effort implique un risque en termes d’ »acceptabilité » bien que cela ne soit pas en conflit avec une politique de développement soutenable et d’éradication de la pauvreté. Il y aurait convergence d’objectifs. Le Giec préconise une coopération internationale pour faciliter la mise en œuvre des solutions. Il importe de consentir des efforts au plus tôt. Plus on tarde, plus l’ampleur des défis techniques et leur simultanéité, risquent d’être insurmontables, avec notamment un risque d’escalade des coûts pour y parvenir.
En conclusion et au-delà de ce que le rapport du Giec énonce, chacun doit comprendre les conséquences pratiques du changement climatique. Notre corps peut supporter quelques degrés de plus, mais les « services » gratuits que la nature nous fournit, dont les plus essentiels, seront moins productifs… Les conséquences sont prévisibles : pénurie alimentaire endémique, multiplication des conflits pour accéder aux ressources, déplacements massifs de population…
Et la pénurie alimentaire ne concernerait pas seulement des pays lointains : la sécheresse de 2018 a divisé par deux la production céréalière en France. Cela impacterait le prix des produits de base durablement dans un monde peuplé de 10 milliards d’humains.
ADEMUB iNFOS n°65 Janvier 2019