Réflexions d’un citoyen ordinaire à l’usage des décisionnaires

La lecture du diagnostic du CODRA à propos des déplacements dans le Val d’Orge nous donne une idée saisissante de la dérive dans laquelle notre société se trouve aujourd’hui embarquée, et des dangers que la poursuite, voire l’aggravation, de la situation actuelle fait courir à notre sécurité, mais surtout à notre santé et à notre environnement local , régional et planétaire, pris dans toutes ses dimensions. N’oublions pas, pour ne citer que cet exemple, que la sécheresse dans le Sahel ou ailleurs en Afrique trouve en grande partie son origine dans l’émission de gaz à effet de serre par les pays européens dont le nôtre.

Dans le diagnostic du CODRA on relève, en effet, que 58% des déplacements domicile-travail, 87% des autres types de déplacements et 70% des déplacements longue distance hors du Val d’Orge s’effectuent en voiture individuelle .Et ces chiffres ne diffèrent guère, je suppose, de ceux de régions semblables de l’Ile-de-France ou de notre pays.

On y relève également que l’équipement des ménages en voiture individuelle y est très élevé : plus de la moitié disposent d’un véhicule et près de 35% d’au moins 2 véhicules (il n’est pas rare -je dirais même de plus en plus fréquent- de compter un véhicule par habitant dans certains ménages), ce qui donne un taux de motorisation total de plus de 85%. Le CODRA ne donne malheureusement pas la progression de ce taux d’équipement sur les 10 dernières années. Mais, en examinant la situation des ménages qui m’entourent, ici ou ailleurs, je peux constater, au fil des ans, une forte progression de ce dernier. Au point que la prolifération des voitures pose d’énormes problèmes de tous ordres et des conflits quotidiens de voisinage à propos du stationnement.

Il résulte, effectivement, de ce fort taux d’équipement que la voirie, surtout dans les zones les plus urbanisées, est complètement envahie par cette prolifération des véhicules automobiles : le taux est des 2/3 dans le Val d’Orge, et de 80 à 90% en zone urbaine plus concentrée. Si cette situation perdure, elle deviendra de plus en plus explosive avec des conflits d’usage de plus en plus violents (1).

Fluidifier ou réduire ?

Simultanément, il est question, à plusieurs reprises dans ce texte, de mesures visant à « fluidifier » la circulation des voitures. Et on cite quelques projets, ne relevant pas nécessairement de la responsabilité des autorités du Val d’Orge d’ailleurs, qui visent cet objectif. Quoi de plus louable, a priori, qu’une mesure visant à lutter contre les embouteillages comme le laissaient à penser il y a quelque temps les propos d’un élu de Brétigny ? « Ce faisant, , expliquait-il, on lutte contre la pollution et la gaspillage d’énergie. » Certes, mais on peut se poser sérieusement la question de savoir si ce type d’objectif et les aménagements qu’il entraîne ne sont pas en contradiction totale avec l’objectif du PDU IF visant à la fois à partager la voirie (donc à donner moins de place aux voitures) et à réduire (de 2%) le flux automobile dans notre région. En élargissant les ponts et les routes pour fluidifier la circulation automobile, en créant de nouvelles voies d’accès, en offrant de nouvelles places de parking, n’amorce-t-on pas ainsi la pompe qui va contribuer à lancer un surcroît de voitures sur les routes et les rues, dans les parkings, sur les trottoirs ou en tout autre lieu où elles ne devraient pas être ?

Si nous voulons véritablement atteindre les objectifs du PDU, il n’y a pas d’autres solutions que de diminuer à la fois l’offre de voirie et de stationnement. Voire même réduire l’offre de véhicules automobiles (même moins ou non polluants), mais cela relève d’une politique internationale, en tout cas européenne, que nos gouvernants occidentaux ne sont pas près d’adopter pour de nombreuses raisons, économiques, sociales, fiscales…Mais ne rien faire en ce domaine ne revient-il pas à rester avec tout le monde dans le train qui conduit inéluctablement dans le mur ? A ce niveau là, il est déjà de la responsabilité de chacun d’entre nous de s’interroger sur l’utilité pour lui de posséder un véhicule automobile. Nombre de Parisiens se sont posé la question et certains y ont répondu par la négative. Je connais personnellement plusieurs amis parisiens qui se sont séparés définitivement de leur véhicule individuel (problèmes de parking, de coût…).

Certes, le Val d’Orge n’est pas Paris. Mais il n’y a pas d’autre solution que de tout faire pour dissuader les habitants du Val d’Orge(cela va de l’information à la répression, en passant par un travail pédagogique notamment auprès des enfants) de prendre leur voiture à chaque fois que cela est possible, et rendre le plus disponibles et le plus attractifs possible les modes de déplacements alternatifs. Bien entendu, pour ne pas créer de déséquilibre entre les communes de l’Agglo, il faut que ces mesures soient appliquées sur l’ensemble du territoire (et de la région Ile-de-France). D’où l’intérêt du PDU et de la Charte régionale des circulations douces que la Communauté du Val d’Orge a fort justement signée

Aujourd’hui, les fonds publics doivent être utilisés prioritairement pour favoriser au maximum les transports en commun et les circulations douces au détriment de la voiture. Or, actuellement, ce n’est pas véritablement ce qui se passe en France : la prolifération des autoroutes, voies rapides, rocades et autres pénétrantes continue à un rythme élevé.

C’est donc à une véritable révolution dans les mentalités comme dans les politiques à laquelle nous sommes contraints.

Une politique volontariste

Dans les propositions d’objectifs et d’orientations du Diagnostic du CODRA, on relève effectivement des mesures visant à favoriser transports collectifs et circulations douces, ce qui devrait avoir objectivement pour effet de réduire l’usage de la voiture. Mais il y manque, me semble-t-il, l’expression d’une volonté forte de réduire par tous les moyens l’usage de celle-ci : en limitant les créations de nouvelles voiries, en prévoyant des mesures et des aménagements dissuasifs pour la voiture (limitation stricte de la vitesse, accès interdits, chaussées rétrécies ou partagées, obstacles nombreux, zones 30, 15 ou piétonnes, etc.)

On retrouve d’ailleurs, exposée de manière plus explicite, cette préoccupation de réduire l’offre en stationnement et en voirie pour la voiture dans les attentes des communes qui se sont exprimées dans le Diagnostic.

En tant que citoyen, conscient des enjeux planétaires d’une politique de déplacements dans le Val d’Orge (comme partout ailleurs !), je demande donc solennellement à nos élus, qui portent là une lourde responsabilité, d’adopter une politique résolument volontariste en matière de déplacements dans le Val d’Orge, les plus convaincus et les plus enthousiastes entraînant dans leur sillage les plus timides et les plus réticents. Se lancer dans cette nouvelle et difficile direction est affaire de courage politique.

Mais, ce faisant, vous aurez, Mesdames et Messieurs, bien mérité de la nation et de la planète.

Brétigny, le 29 mai 2003

Claude ROMEC