A la suite de l’Assemblée générale, Claude Romec, administrateur de l’Ademub a présenté le thème de la campagne d’information et d’action pour l’année 2016. Vous trouverez ci-dessous cet exposé.
Qu’est-ce que cette expression évoque ? Le cercle, c’est-à-dire une économie qui fonctionnerait de manière circulaire.
Elle s’oppose donc à celle qui domine depuis l’ère industrielle et la production de masse : l’économie linéaire ; et qui repose sur les 4 mots-clés : extraire – fabriquer/produire – consommer – jeter.
Se souvenir encore de ces énormes décharges, officielles ou sauvages, qui déparaient nos paysages tout en polluant notre environnement. C’était l’époque des Trente Glorieuses. La société du gaspillage généralisé, dont ces décharges étaient l’élément le plus visible.
On a fini par prendre conscience, à partir des années 80, de la nécessité de mettre en place des décharges dites contrôlées. Puis, on a commencé à se préoccuper, devant la raréfaction de nos matières premières, de recycler les déchets.
Mais le recyclage est-il assimilable à l’économie circulaire ? NON. Il n’en est qu’un élément constitutif. Car l’économie circulaire est une révision fondamentale de tout notre système économique.
HİSTORİQUE
La notion d’économie circulaire est apparue en 1990, dans un ouvrage de deux auteurs américains, au titre éponyme. Mais dès 1972, le Club de Rome, avec le fameux rapport du MİT (Massachusetts Institute of Technology), avait déjà tiré la sonnette d’alarme. Nous nous sommes rendu compte que nous étions dans un monde fini et qu’il fallait mettre fin au gaspillage des ressources qui se raréfiaient et mettre en place une société plus sobre et plus équitable. Cela d’autant plus que nous sommes confrontés à une forte progression démographique.
Puis il y a eu le Sommet de la Terre à Rio, en 1992, où est apparue la notion de développement durable ou supportable que l’on a définie ainsi :
« Le développement durable est celui qui permet de répondre aux besoins des hommes d’aujourd’hui sans compromettre ceux des hommes de demain. »
Il repose sur trois piliers : une économie viable à long terme, une organisation sociale équitable et un environnement restauré et protégé. Pour la réalisation de ce développement durable, on a mis en place, dans un bon nombre de collectivités, des Agendas 21 (programmes d’action pour le XXIe siècle).
Un autre impératif s’est ajouté à tout cela : celui de la lutte contre les effets du réchauffement climatique et de la nécessité de la TRANSİTİON ÉNERGÉTİQUE qui nous impose de sortir des énergies fossiles au plus tôt.
L’ÉCONOMİE CİRCULAİRE ET LES POLİTİQUES
Il a fallu attendre deux décennies pour que l’économie circulaire, fille du développement durable, soit prise en compte par nos responsables politiques. D’abord au niveau européen par une communication de la Commission : « Vers une économie circulaire : programme zéro déchet pour l’Europe », avec une proposition législative fixant des objectifs en matière de prévention et de gestion des déchets. Mais rien n’a vraiment bougé depuis lors.
En France, 12 mesures sur l’économie circulaire ont été inscrites dans la « Feuille de route pour la transition écologique » du Gouvernement. A noter : la mesure 9 de cette « feuille de route » prévoit que les conseils régionaux s’investiront. On n’a guère avancé depuis lors, même s’il s’est créé un Institut de l’Économie Circulaire.
QU’EST-CE QUE L’ÉCONOMİE CİRCULAİRE ? DÉFİNİTİON – DESCRİPTİON
Pas de définition officielle.
La plus compréhensible est celle de l’ADEME :
« Un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement, tout en permettant le bien-être des individus. »
Il convient donc, pour parler plus simplement, de diminuer le gaspillage des ressources, de réduire les impacts environnementaux et d’augmenter le bien-être humain. On retrouve donc les 3 piliers du développement durable.
Description de l’économie circulaire (France Nature Environnement + ADEME)
Trois domaines d’action et 7 piliers
1er domaine : L’offre et les acteurs économiques
4 piliers : – l’approvisionnement durable
– l’éco-conception
– l’écologie industrielle et territoriale
– l’économie de fonctionnalité
2e domaine : La demande et le comportement des consommateurs
2 piliers : – Consommation responsable (achat, utilisation, consommation collaborative)
– Allongement de la durée d’usage (réemploi, réparation, réutilisation)
3e domaine : La gestion des déchets
I – L’OFFRE ET LES ACTEURS ÉCONOMİQUES
1 – L’approvisionnement durable
« Il vise une exploitation/extraction efficace des ressources, limitant les rebuts d’exploitation et l’impact sur l’environnement, notamment dans l’exploitation des matières énergétiques et minérales (mines et carrières) ou dans l’exploitation agricole et forestière tant pour les matières et énergies renouvelables que non renouvelables ».
Cela exclut au maximum les énergies fossiles et favorise les énergies renouvelables (lesquelles ne sont pas cependant exemptes de tout impact sur l’environnement).
Les ressources minérales sont limitées et souvent lointaines et le mode d’extraction peut être très polluant et avoir un fort impact sur l’environnement (sables bitumineux au Canada, par exemple).
On donne comme exemple une entreprise qui utilise des pièces d’occasion pour fabriquer ses produits ou des fibres recyclées pour fabriquer son papier.
On oublie dans ce texte le côté humain. Les mines du Tiers-Monde d’où vient l’essentiel de nos minerais sont peuplées d’esclaves humains (cf le travail des enfants dans les mines de cobalt en République Démocratique du Congo).
2 – L’éco-conception
« Conception d’un produit, bien ou service, prenant en compte, afin de les réduire, ses effets négatifs sur l’environnement tout au long de leur cycle de vie, en s’efforçant de préserver qualité et performances ».
C’est un produit durable, démontable, réparable et réutilisable si possible plusieurs fois. C’est donc le contraire de l’OBSOLESCENCE PROGRAMMÉE. Exemple : l’appareil-robot ménager (ou la machine industrielle) solide (pas de pannes à répétition), facilement démontable et réparable et pour lequel on trouve aisément les pièces détachées pendant de longues années. Mais aussi à faible consommation énergétique et à l’utilisation sûre. GADGETS À EXCLURE.
Actuellement en France, SEB est le seul fabricant proposant des appareils faciles à réparer et des pièces détachées d’accès aisé, tant pour les particuliers que pour les professionnels.
3 – Écologie industrielle et territoriale
« Organisation industrielle mise en place COLLECTIVEMENT par plusieurs entreprises, caractérisée par une gestion optimisée des ressources et un fort recyclage de la matière et de l’énergie ».
Il s’agit de réaliser des SYNERGİES entre acteurs économiques indépendants (valorisation, mutualisation des services, à l’échelle d’une zone ou d’un territoire) pour limiter la consommation de ressources et tendre vers des circuits courts. C’est une démarche de logique collective de mutualisation et d’échanges (équipements, déchets, matières premières, énergie, services…)
Exemple : une entreprise de BTP utilise en sous-couche routière le sable issu du lavage des betteraves provenant d’une autre entreprise de proximité. Autre exemple : Vitré Communauté (Bretagne) a créé une association pour optimiser l’usage de la matière et de l’énergie à l’échelle du territoire. Projets communs en cours : usine de méthanisation, plan de déplacement des personnes et des marchandises…
4 – Économie de la fonctionnalité
« Préfèrer l’USAGE à la POSSESSION et tendre à vendre les services liés aux produits plutôt que les produits eux-mêmes ».
Exemple : SEB mène un test à Dijon où les appareils électroménagers (appareils à raclette, crêpières…) sont loués aux consommateurs par l’intermédiaire des gardiens d’immeubles. KILOUTOU pratique depuis longtemps ce type de démarche en louant une multitude d’articles et d’appareils que leurs clients ne souhaitent pas acheter. Quel est l’intérêt de posséder un appareil qu’on utilise très peu et qui reste la plupart du temps dans un tiroir ou un sous-sol ? Entre également dans cette démarche la location de voitures ou de vélos…
II – LA DEMANDE – LE COMPORTEMENT DES CONSOMMATEURS
1 – Consommation responsable
« La consommation responsable doit conduire l’acheteur, qu’il soit acteur économique (privé ou public) ou citoyen consommateur, à effectuer son choix en prenant en compte les impacts environnementaux à toutes les étapes du cycle de vie du produit (biens ou services). »
Cela veut dire qu’avant d’acheter, le consommateur doit rechercher toutes les informations non seulement sur les qualités (dans tous les sens du terme) du produit, mais tous les impacts environnementaux durant tout le cycle de production. Il y a donc là un gros travail d’information et de formation des consommateurs. D’où le rôle des associations qui doivent exiger une information complète et loyale des consommateurs (étiquettes…). En tout cas cela prêche pour la consommation de produits bio et autres produits de PROXİMİTÉ… et de saison (pas de cerises du Chili ou de haricots verts transportés par avion en provenance du Kenya, pas de jouets, même en bois, en provenance de Chine…). Un exemple : une collectivité qui s’équipe avec du mobilier issu du réemploi.
La définition est de toute manière un peu courte, qui ne prend pas en compte l’aspect humain, par exemple les conditions des salariés qui fabriquent les produits et où ils sont fabriqués, et combien sont rémunérés les producteurs : cf. les conditions des négociations entre producteurs agricoles (agriculteurs, maraîchers, arboriculteurs…) et les géants de la transformation (ex. : Bigard), puis la grande distribution qui surfe sur le marché mondial pour trouver les prix les plus bas, sans souci des conditions de travail des salariés (cf. les ouvrières du textile au Bangla-Desh ).
Par ailleurs, la consommation « collaborative », qui fait partie de l’économie du partage et recouvre les activités de revente, don, troc, location de court terme ou encore emprunt, constitue une forme de consommation responsable (cf. la formule des SEL – système d’échange local). L’achat d’un matériel par plusieurs voisins qui l’utilisent à tour de rôle en fait aussi partie. La formule de l’auto-partage ou du co-voiturage relève de la consommation responsable.
Selon l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales), « si les modèles de partage étaient utilisés « au mieux », c’est jusqu’à 7% du budget et 20% des déchets des ménages qui pourraient être économisés. »
2 – Allongement de la durée d’usage
« L’allongement de la durée d’usage par le consommateur conduit au recours à la réparation, au don, à la vente d’occasion, ou à l’achat d’occasion dans le cadre du réemploi ou de la réutilisation. »
Précisions : la réparation consiste en la remise en fonctionnement d’un produit. Le réemploi donne une nouvelle vie au produit grâce au don ou à la vente d’occasion. La réutilisation permet à des déchets d’être remis en état sous forme de biens d’occasion ou d’être démontés pour en revendre les pièces détachées en état de fonctionnement.
Il y a un champ immense pour la création de PME ou d’auto-entreprises et donc la création d’emplois : recycleries, retoucheries, ateliers de réparation, le stoppage des vêtements, etc. Il y avait autrefois les casses auto. Selon l’ADEME, le développement volontariste du réemploi permettrait la création de 10 000 à 20 000 emplois supplémentaires.
III – LA GESTİON DES DÉCHETS
Recyclage et valorisation des déchets
« Ensemble des techniques de transformation des déchets après récupération, visant à en réintroduire tout ou partie dans un cycle de production » (Journal Officiel).
Selon le Code de l’environnement, la valorisation énergétique des déchets, leur conversion en combustible et les opérations de remblaiement NE PEUVENT ÊTRE QUALİFİÉES DE RECYCLAGE. Elles ne rentrent donc pas dans le champ de l’économie circulaire, mais ne sont qu’une activité complémentaire.
N’interviennent dans la valorisation que les déchets ultimes dont le volume sera réduit au strict minimum. Ainsi, les produits alimentaires périmés ou en passe de l’être, détruits par les distributeurs par arrosage de fuel et destinés ainsi à la valorisation énergétique, ne devraient pas être ainsi condamnés à entrer dans la catégorie des déchets ultimes. Au contraire, ils doivent être donnés. Ils peuvent aussi être recyclés, comme les déchets alimentaires des cantines et restaurants (alimentation animale, méthanisation, fabrication de compost…). FNE (France Nature Environnement) mène depuis des années une action d’envergure pour combattre ce gâchis monstrueux.
Il faut savoir que le recyclage des matières et des produits ne peut être infini. À chaque boucle, on constate une dégradation de la qualité intrinsèque et une réduction des volumes. MAİS, LE BUT DEMEURE LA RÉDUCTİON MAXİMALE DES DÉCHETS ULTİMES ET LA LUTTE GÉNÉRALİSÉE CONTRE TOUS LES GASPİLLAGES.
Seule la pratique d’UNE SOBRİÉTÉ « HEUREUSE », pour reprendre les termes du sage Pierre RAHBI, permet la pérennité d’une économie circulaire.
Économie circulaire et croissance
L’économie circulaire doit permettre de découpler le taux de croissance économique du taux de consommation des ressources naturelles. En effet, si rien n’est fait, le volume de minéraux, de minerais, de combustibles fossiles et de biomasse consommé chaque année pourrait être multiplié par 3 en 2050 (Programme des Nations Unies pour l’Environnement – PNUE).
LES ACTEURS DE L’ÉCONOMİE CİRCULAİRE
Cela va de chacun d’entre nous à l’international en passant par le local.
1 – LES POUVOİRS PUBLİCS À TOUS LES ÉCHELONS
L’Union européenne peut définir le cadre européen, permettant la création de centaines de milliers d’emplois et générer des Md€ d’activités.
L’Etat français peut impulser les politiques (incitations, soutiens financiers, mesures fiscales, réglementations, exemplarité…) pour orienter les modèles de production, distribution et consommation vers l’économie circulaire.
Les Conseils régionaux, identifiés par la Conférence environnementale 2013 comme le niveau de territoire le plus pertinent, du fait de leurs compétences dans le domaine de l’économie et de l’éducation, peuvent agir sur plusieurs axes dans ce domaine.
Les départements, métropoles et intercommunalités peuvent, selon leur compétence, intervenir dans divers domaines : prévention des déchets, climat et énergie, alimentation, etc
Les pouvoirs publics, dont les communes, délivrent également des permis aux installations et les renouvellent. Ceux-ci peuvent y introduire les exigences de l’économie circulaire.
A contrario, il est aussi nécessaire de voir si certaines subventions ou incitations existantes vont à l’encontre d’une économie circulaire afin de les réorienter vers des pratiques plus vertueuses. Beau coup d’initiatives doivent être prises dans nos communes.
2 – LES ENTREPRİSES
En tant que fournisseurs, mais aussi en tant qu’acheteurs, de biens et services, elles ont un grand rôle à jouer, qu’elles soient producteurs ou distributeurs. La transition vers une économie circulaire est par ailleurs créatrice d’emplois, pour beaucoup locaux et basés sur des savoir-faire. Selon l’ADEME, le développement du réemploi permettrait la création de 10 000 à 20 000 emplois. La Commission européenne estime qu’une réduction de 17% de la consommation de ressources (renforcement de l’efficacité de l’usage) créerait 200 000 à 400 000 emplois en France.
3 – LES CITOYENS
Nous devons tout d’abord limiter le taux de renouvellement de nos produits, en évitant de céder aux effets de mode.
Orienter ensuite nos modes de consommation par l’achat de produits durables, la réparation, le réemploi, la réutilisation, la consommation collaborative…
D’où l’importance de l’information et de l’accessibilité des produits mis sur le marché par les entreprises. Les consommateurs doivent avoir une information complète sur les performances des produits (taux de panne, disponibilité des pièces détachées…). Ils doivent avoir accès à des produits de qualité et durables, finalement moins chers que des produits de bas de gamme (réparation, renouvellement). D’où le rôle des associations et des CCAS (centres communaux d’action sociale), qui peuvent être garants de la rencontre entre une offre et une demande modifiées.
4 – LES ASSOCIATIONS
Environnementales ou de consommateurs, les associations peuvent agir sur deux volets :
1 – Participer au développement d’une culture de l’économie circulaire : En interface d’un certain nombre d’autres acteurs (collectivités, citoyens, entreprises…), elles peuvent jouer un rôle d’animateurs et de facilitateurs.
2 – Mener une action pour réduire les déchets, comme le font déjà de nombreuses associations : organisation de trocs d’objets, mutualisation de produits (ex. : taille-haie, broyeur de végétaux, etc.), organisation de Repair Café (cf. site de France Nature Environnement – réseaux thématiques : FNE.asso.fr)… Cela recouvre aussi les actions de sensibilisation et d’information.
Pour toute information consulter les réseaux thématiques, en l’occurrence le réseau « Prévention et gestion des déchets » de France Nature Environnement sur le site de la Fédération.
L’exposé était accompagné d’une présentation en images que vous pouvez voir en cliquant sur l’icône ci-dessous