Considérations générales sur le SDRIF dans son ensemble

L’ADEMUB entend souligner le caractère trop « urbanisateur » et centralisateur de ce projet. C’est le retour à une politique d’hypercentralisation sur Paris et sa région dont on veut privilégier « l’attractivité et la compétitivité internationale », au détriment des autres régions françaises. Le déséquilibre va donc s’accentuer entre Paris et sa région, qui concentrent déjà 20% de la population sur 2% du territoire, et le reste du pays, aggravant ainsi la paupérisation et la dépopulation de certaines régions et certains départements, privés encore plus de moyens humains et financiers.

Dans ce contexte, la Région, d’accord sur ce point avec l’Etat, programme un million d’habitants supplémentaires et 10 millions de touristes de plus, et estime nécessaire, pour ce faire, la construction de 60.000 logements/an, soit 1,5 million de logements en 20 ans. Mais une telle programmation est-elle en phase avec la réalité démographique ? Car il manque, dans ce document, une analyse démographique, portant notamment sur les flux migratoires, qui déboucherait sur une ébauche de perspectives d’évolution mieux fondée.

Mieux tenir compte de la démographie

En effet, si l’on relève, dans la région capitale, un solde naturel plus élevé que dans le reste de la France, on constate néanmoins un déficit de 70 000 habitants/an (voire même 100 000 habitants/an si on se réfère aux chiffres récents), dû principalement au départ de jeunes ménages avec enfants vers la province. Ce déficit est compensé pour moitié seulement par l’arrivée d’immigrés. Cette constatation, qui a été occultée dans le SDRIF, nous conduit en conséquence à remettre en cause certaines estimations quant aux besoins supposés de la région et de ses habitants. Il est, certes, nécessaire de construire, mais les volumes fixés semblent disproportionnés par rapport aux besoins, et la mise en œuvre sera difficile dans un contexte où les impératifs du développement durable, notamment dans le domaine de l’habitat ancien, exigent de gros investissements.

Par ailleurs, pour éviter l’étalement urbain (que le précédent SDRIF n’a pas su contenir), économiser une énergie de plus en plus chère et lutter contre les émissions de gaz à effet de serre, le projet de SDRIF préconise une densification des zones urbaines existantes, densification partagée entre zone centrale et périphérie, la grande couronne étant, pour sa part, appelée à contribuer pour moitié à l’effort commun. Mais, les friches et la densification des abords de gares (qu’il faut manier avec précaution en fonction du contexte et des capacités du réseau de transports à absorber un surcroît de clientèle) ne sauraient suffire à répondre aux objectifs de construction annoncés. Et les habitants des zones pavillonnaires, souvent avec le soutien de leurs édiles, ne sont pas tous prêts, tant s’en faut, à troquer leur maison contre un habitat collectif, plus compact. Et l’entassement montre rapidement ses limites en matière de qualité de vie et d’environnement.

Terres agricoles, premières victimes de l’urbanisation

Il faudra donc, si on souhaite réaliser les objectifs de ce SDRIF, continuer d’aliéner les terres agricoles, éternelles pourvoyeuses de terrains à urbaniser, ainsi que certains espaces verts, progressivement grignotés. Gageons qu’une bonne partie des 28 000 hectares voués à l’urbanisation dans ce projet de SDRIF proviendra de ces deux catégories, terres agricoles surtout. Or, ce sont précisément les terres agricoles péri-urbaines, stratégiques dans l’approvisionnement futur de la région capitale en denrées alimentaires, qui paieront le plus lourd tribut à une urbanisation excessive. On voit mal dans ces conditions, comment il est possible de lever la contradiction entre ce projet et les bonnes intentions affichées dans la partie environnementale, qui présente d’ailleurs quelques insuffisances, notamment en matière de mesures compensatoires, et mériterait plus de précisions (cf l’analyse jointe de notre fédération Ile-de-France Environnement IDFE).

On voit mal effectivement comment la Région Ile-de-France, malgré la création récente de Natureparif, va pouvoir mettre en application les préconisations de sa « Charte de la biodiversité et des espaces naturels » qui compte, pour l’heure, bien peu de signataires. Cela d’autant plus que les 300 kilomètres de nouvelles autoroutes et voies rapides, ainsi que les 100 kilomètres de nouvelles voies ferrées et 700 000 mouvements d’avions à Roissy, qui mobiliseraient des volumes financiers considérables, ne contribueraient pas véritablement à la protection des espaces naturels et agricoles et à l’amélioration de la qualité de vie des Franciliens. Ce projet, s’il reste en l’état, ne contribuera qu’à renforcer les inégalités environnementales entre zones privilégiées et zones défavorisées.

Si on y ajoute la volonté de l’Etat d’imposer à la Région ses propres projets, notamment les trois OIN prévues, dont celle touchant le plateau de Saclay et sa région, alors il y a fort à parier que les impératifs du développement durable conciliant à la fois l’économie, le social et l’environnement ne pourront être atteints, et que le trépied sera quelque peu bancal. Avec de tels projets, s’ils se réalisent, l’ambition affichée par le Conseil régional de faire de l’Ile-de-France la première éco-région d’Europe risque fort d’appartenir bientôt aux utopies du passé. En effet, on ne peut à la fois planifier la réalisation d’une mégapole hyperconcentrée (Paris et sa proche banlieue représentent déjà la zone la plus dense d’Europe) et prétendre protéger notre environnement.

C’est pourquoi nous considérons que la réflexion sur ce schéma eût été beaucoup plus pertinente si elle avait été menée au niveau du Bassin Parisien dans la perspective d’une organisation polycentrique. Celle-ci aurait intégré les zones périphériques qui entretiennent des relations permanentes avec la région capitale et mériteraient de participer à une mutualisation des projets et des moyens, tout en contribuant à décongestionner l’Ile-de-France, mieux à même ainsi d’entretenir un dialogue plus équilibré avec les autres régions françaises dans le cadre d’une politique résolument volontariste d’aménagement du territoire national.

Prendre en compte le Grenelle de l’Environnement

Enfin, ce document a été élaboré et rédigé avant que le Grenelle de l’Environnement fasse apparaître de manière cruciale les grands enjeux et les actions à mener prioritairement pour répondre aux grands défis de l’heure, qui conditionnent l’avenir de la civilisation humaine. Ainsi, pour ne citer que ces deux exemples, le Président de la République a souligné la nécessité de mettre la pédale douce sur le programme autoroutier, et insisté sur la priorité que représentent les économies d’énergie , notamment dans l’habitat existant où les travaux d’isolation nécessiteront la mobilisation de moyens financiers considérables. Il nous semble nécessaire, dans ces conditions, de revoir à la baisse les objectifs fixés, tant en matière d’urbanisation que d’infrastructures, notamment les projets de l’Etat, et de développer prioritairement les protections environnementales dont notre Région a le plus grand besoin.

En ce qui concerne plus particulièrement le domaine des transports et des déplacements, la mise en place rapide d’un réseau régional de circulations douces, plus particulièrement d’itinéraires cyclables (véloroutes, notamment), complémentaire avec les réseaux départementaux et locaux, et en liaison avec les réseaux de transports collectifs (intermodalité), s’impose comme une alternative aux circulations motorisées, génératrices d’émissions de gaz à effet de serre.

L’Essonne et le Val d’Orge

Pour ce qui concerne plus particulièrement notre secteur, principalement le Val d’Orge, dans le département de l’Essonne, le SDRIF prévoit une densification de zones déjà fortement urbanisées ou en cours d’urbanisation, et condamne à l’urbanisation totale une grande partie des surfaces agricoles, principalement celles situées au sud de la Francilienne sur les communes du Plessis-Pâté et de Brétigny-sur-Orge, soit au total quelques centaines d’hectares, classés sur la carte en « secteur de densification préférentielle ». La communauté d’agglomération du Val d’Orge a elle-même planifié, dans son projet de SCOT, en cours d’examen, la création d’une zone d’activités de 150 hectares dans le prolongement des zones existantes en bordure de la Francilienne (La Croix Blanche, le Parc, Techniparc, les Ciroliers…) et dont l’ensemble représente la deuxième plus forte concentration d’activités logistiques et commerciales de l’Ile-de-France.

Une urbanisation qui condamne les terres agricoles péri-urbaines

Le SDRIF va donc au-delà de ce projet déjà contestable, et prévoit l’urbanisation, à terme, de toutes les terres agricoles situées entre la Francilienne, le Plessis-Pâté et la RD 19. Le Val d’Orge compte déjà, tant au bord de la Francilienne ou de la RD 19 que dans le secteur de Maison Neuve, au sud de Brétigny, une vaste zone logistique, peu pourvoyeuse en emplois et source de nuisances importantes. Vouloir encore développer ces zones et condamner à l’urbanisation la plus grande partie du sud de l’agglomération du Val d’Orge ne répond en rien aux impératifs d’un développement durable.

Cette urbanisation planifiée est en effet en contradiction avec la volonté affichée par ailleurs de préserver les terres agricoles péri-urbaines et de lutter contre l’étalement urbain. De même, en attirant dans ces vastes zones commerciales, qu’il s’agisse de la Croix Blanche ou de Maison Neuve, des populations en provenance de toute la région, notamment des communes du sud, le Val d’Orge génère un flux accru de circulation automobile, contraire aux impératifs écologiques, et nuit aux commerces de proximité tant de l’Agglomération de Val d’Orge elle-même que des villes du sud du département.

Des terres agricoles péri-urbaines ne resteront au final que quelques dizaines d’hectares dispersés dont la pérennité apparaît de ce fait menacée.

Et comment assurer, dans ces conditions, la continuité biologique et l’aménagement de corridors écologiques jugés pourtant indispensables au maintien ou à la restauration de la biodiversité ?

Densification autour des gares : une mesure à prendre avec précaution

Dans le cas plus particulier des gares, le projet prévoit effectivement des « secteurs de densification préférentielle ». La densification prévue et déjà en cours de réalisation autour de la gare de Brétigny nous paraît excessive et ne fera qu’aggraver une situation déjà cruciale. La ville de Brétigny, qui ressemble depuis plusieurs années à un vaste chantier permanent, va se trouver en grande partie privée d’espaces de verdure et de respiration, notamment dans la partie centrale de la ville, situation génératrice de graves problèmes, sanitaires et sociaux, à venir.

La densification près de la gare de Saint-Michel correspond à la rénovation, en cours, du quartier Gambetta, et ne pose a priori pas de problème particulier.

En revanche, la densification envisagée des deux côtés de la gare de Sainte-Geneviève ne tient pas compte de la réalité et de la configuration des lieux (proximité de la vallée de l’Orge, présence d’un bois à préserver, quartier ancien du Perray à protéger) et apparaît de ce fait inenvisageable. Le plan prévoit, en outre, un secteur de densification qui chevauche la rivière Orge, ainsi qu’un secteur d’urbanisation préférentielle dans le parc de l’hôpital de Perray-Vaucluse. Ce projet est irréalisable car situé en grande partie sur une zone inondable, protégée par la Loi sur l’eau et le SAGE Orge-Yvette, et dans un site remarquable qui compte des bâtiments de style haussmannien à protéger, en y installant des activités de type sanitaire ou social.

Concernant l’urbanisation autour des gares, nous soulignons les difficultés que va entraîner, de ce fait, la fréquentation accrue des trains de la ligne C du RER dans le fonctionnement de cette ligne, notamment aux heures de pointe. La saturation de la ligne, à certaines heures de la journée en semaine, conduit à de sérieuses difficultés dès que se produit le moindre incident dans le fonctionnement. L’impossibilité d’ajouter de nouvelles voies entre les gares d’Austerlitz et d’Orsay, au cœur de Paris, devrait inciter les élus franciliens à tout faire pour modérer l’urbanisation autour des gares et éviter ainsi un afflux trop important de nouveaux voyageurs.

Densification et biodiversité ne font pas bon ménage

D’une manière générale, concernant la vallée de l’Orge, et cela va bien au-delà du territoire du Val d’Orge, le SDRIF ne tient pas assez compte de la nécessité de conserver, sur les deux rives de la rivière, des zones « naturelles » ou peu urbanisées, de développer le périmètre de protection et d’en faire ainsi un corridor écologique d’importance capitale, tout comme la vallée de l’Yerres. Pour le cas particulier des Joncs Marins, domaine régional, situé en bordure de l’Orge à Brétigny, classé par le SDRIF « espace naturel à ouvrir au public », cette classification nous semble malheureusement relever un peu de l’utopie dans la mesure où nous attendons depuis fort longtemps son aménagement et où il es fortement mité, ce qui ne facilitera ni sa fréquentation ni sa pérennité.

Toute la partie nord du territoire du Val d’Orge, de même qu’une grande partie de la commune de Brétigny déjà très urbanisée, sont, à l’exception des bois situés à l’est et des zones agricoles du sud de Brétigny ,« espace urbanisé à optimiser », ce qui laisse à supposer qu’une certaine densification y est souhaitée. Comment, dans ces conditions, le projet de SDRIF peut-il prévoir une « liaison verte à créer ou à renforcer » traversant, au nord de la Francilienne, le territoire d’est en ouest, alors que les zones boisées qu’il traverse à l’est (bois de Saint-Eutrope, bois des Joncs Marins et des Trous) ne peuvent en rien être étendues, même par un filet de verdure, vers l’ouest, déjà totalement urbanisé et voué à la densification ? Quant à la partie sud de l’Agglomération, elle se trouve elle-même privée d’une telle liaison. Le Val d’Orge, placé au cœur de la ceinture verte parisienne, en est de loin la partie la plus urbanisée, ce qui , avec le surcroît d’urbanisation prévu, va conduire à une rupture de la continuité de cette ceinture verte, continuité pourtant souhaitée par les responsables politiques régionaux. N’oublions pas que la vallée de l’Orge est classée ZNIEFF de catégorie 2 et mériterait même un classement en ZNIEFF de catégorie 1, en raison de la présence d’espèces rares et protégées au niveau régional, voire national. Ceci doit être mieux pris en considération dans le SDRIF, sous peine de porter atteinte à la biodiversité dans cette zone.

Conclusions

En conclusion, nous demandons, pour le Val d’Orge, que le projet de SDRIF prenne en compte les observations ci-dessus, révise à la baisse la surface des zones à urbaniser ou à densifier, maintienne en zone agricole le secteur de l’Orme Fourmi à Brétigny ainsi qu’une grande partie des terres cultivées situées au nord et à l’est du Plessis-Pâté, ainsi que celles encore existantes à Leuville et à Villiers-sur-Orge, sur la rive gauche de la rivière, et planifie le maintien, l’extension ou la création d’un plus grand nombre d’espaces verts et de continuités écologiques, notamment dans la vallée de l’Orge qui doit être classée ZNIEFF de catégorie 1 et prendre une importance d’envergure régionale avec, en vue, son classement en zone naturelle.

Pour le projet de SDRIF dans son ensemble, nous renvoyons ses promoteurs à l’avis formulé par notre fédération régionale Ile-de-France Environnement et joint au présent avis, plus particulièrement à ses conclusions et aux réserves qui y sont formulées et que nous appuyons fortement.


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